
Face aux conflits commerciaux, les entreprises se retrouvent souvent à la croisée des chemins: choisir la voie judiciaire traditionnelle ou opter pour des modes alternatifs de résolution des différends. L’arbitrage et la médiation représentent deux approches distinctes, chacune avec ses avantages spécifiques selon la nature du litige. Ces mécanismes, reconnus par le droit français et international, offrent des solutions plus rapides, moins coûteuses et souvent plus adaptées aux réalités commerciales que les tribunaux classiques. Leur montée en puissance témoigne d’une évolution profonde dans la gestion des contentieux d’affaires, où la confidentialité, la flexibilité et la préservation des relations commerciales deviennent des priorités absolues.
Fondements juridiques et principes directeurs des modes alternatifs de résolution
Les modes alternatifs de résolution des conflits (MARC) s’inscrivent dans un cadre juridique précis en droit français et international. En France, ces dispositifs sont encadrés notamment par les articles 1528 à 1567 du Code de procédure civile, qui définissent les contours de la médiation et de l’arbitrage. Au niveau international, la loi-type de la CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le droit commercial international) sur l’arbitrage commercial international constitue une référence majeure, adoptée par de nombreux pays pour harmoniser leurs pratiques.
L’arbitrage repose sur le principe fondamental de l’autonomie de la volonté des parties. Cette liberté contractuelle permet aux entreprises de choisir la procédure applicable, les règles de fond, ainsi que la composition du tribunal arbitral. Le caractère juridictionnel de l’arbitrage se manifeste par le pouvoir de l’arbitre de trancher le litige par une sentence qui s’impose aux parties avec force exécutoire. La Cour d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) à Paris ou la London Court of International Arbitration (LCIA) figurent parmi les institutions les plus renommées qui administrent ces procédures.
La médiation, quant à elle, s’articule autour du principe de négociation assistée. Le médiateur, tiers neutre, impartial et indépendant, n’a pas le pouvoir d’imposer une solution mais facilite le dialogue entre les parties pour les aider à trouver elles-mêmes un accord mutuellement satisfaisant. La directive européenne 2008/52/CE a contribué à renforcer ce cadre en encourageant le recours à la médiation dans les litiges transfrontaliers.
Ces deux mécanismes partagent certains principes directeurs communs:
- La confidentialité des échanges et des informations divulguées
- Le consentement des parties comme fondement de la procédure
- L’indépendance et l’impartialité des tiers intervenants
- La flexibilité procédurale adaptée aux besoins spécifiques du litige
La Cour de cassation française a progressivement construit une jurisprudence favorable aux MARC, reconnaissant notamment la validité des clauses compromissoires dans les contrats commerciaux internationaux dès 1843 avec l’arrêt Prunier, puis élargissant cette reconnaissance aux contrats commerciaux internes. Cette évolution jurisprudentielle témoigne d’une volonté d’encourager ces modes de résolution, perçus comme des outils efficaces pour désengorger les tribunaux tout en offrant aux entreprises des solutions adaptées à leurs contraintes opérationnelles.
L’ordre public et les limites à l’arbitrabilité
Malgré la grande liberté laissée aux parties, certains domaines demeurent non arbitrables en raison de considérations d’ordre public. Ainsi, les questions relatives au droit pénal, au droit des personnes ou encore certains aspects du droit de la concurrence échappent généralement à la compétence des arbitres. Cette limitation assure que les questions touchant aux intérêts fondamentaux de la société restent sous le contrôle des juridictions étatiques.
L’arbitrage commercial: procédure, avantages et inconvénients
L’arbitrage commercial constitue un mode juridictionnel privé de résolution des litiges. Cette procédure se caractérise par son formalisme structuré, bien que plus souple que celui des tribunaux étatiques. Le processus débute généralement par la notification d’une demande d’arbitrage par la partie plaignante, suivie par la constitution du tribunal arbitral. Ce dernier peut être composé d’un arbitre unique ou d’un collège de trois arbitres, selon la complexité du litige et les stipulations contractuelles préalables.
Les praticiens du droit reconnaissent plusieurs avantages majeurs à l’arbitrage dans le contexte des différends commerciaux. La confidentialité représente un atout considérable pour les entreprises soucieuses de préserver leur réputation ou leurs secrets d’affaires. Contrairement aux audiences judiciaires publiques, les débats arbitraux se déroulent à huis clos, et les sentences ne sont généralement pas publiées sans l’accord des parties.
La technicité constitue un autre avantage déterminant. Les parties peuvent désigner des arbitres spécialisés dans le secteur d’activité concerné ou disposant d’une expertise technique particulière. Cette expertise sectorielle permet souvent une compréhension plus fine des enjeux commerciaux sous-jacents au litige. Par exemple, dans un conflit relatif à un contrat de construction internationale, les parties pourront nommer un ingénieur ou un architecte possédant une connaissance approfondie des standards industriels applicables.
L’exécution internationale des sentences arbitrales représente un avantage substantiel pour les transactions transfrontalières. La Convention de New York de 1958, ratifiée par plus de 160 pays, facilite la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères. Cette convention offre un cadre juridique plus favorable que celui applicable aux jugements des tribunaux étatiques, souvent soumis à des procédures d’exequatur complexes.
Néanmoins, l’arbitrage présente certains inconvénients notables. Le coût constitue souvent un frein pour les petites et moyennes entreprises. Les honoraires des arbitres, les frais administratifs des institutions d’arbitrage et les coûts de représentation juridique peuvent rapidement atteindre des montants significatifs. À titre d’exemple, pour un litige d’une valeur de 5 millions d’euros devant la CCI, les frais administratifs et honoraires d’arbitres peuvent dépasser 200 000 euros.
La rigidité procédurale relative peut parfois limiter les possibilités de résolution créative du conflit. Contrairement à la médiation, l’arbitrage reste un processus adversarial où l’arbitre doit trancher en faveur d’une partie, ce qui peut compromettre les relations commerciales futures. De plus, les voies de recours contre une sentence arbitrale sont limitées, principalement au recours en annulation pour des motifs restreints tels que l’excès de pouvoir du tribunal arbitral ou la violation de l’ordre public international.
Les clauses compromissoires et le principe de compétence-compétence
L’efficacité de l’arbitrage repose en grande partie sur la rédaction soignée de la clause compromissoire. Cette stipulation contractuelle, par laquelle les parties s’engagent à soumettre leurs différends futurs à l’arbitrage, doit préciser plusieurs éléments: le siège de l’arbitrage, la langue de la procédure, le droit applicable, le nombre d’arbitres et éventuellement l’institution d’arbitrage choisie. Le principe de compétence-compétence, reconnu en droit français comme dans de nombreux systèmes juridiques, permet au tribunal arbitral de statuer sur sa propre compétence, limitant ainsi les manœuvres dilatoires visant à contester la validité de la clause d’arbitrage devant les tribunaux étatiques.
La médiation commerciale: processus, bénéfices et limites
La médiation commerciale représente un processus non contraignant où un tiers neutre, le médiateur, aide les parties à communiquer efficacement pour résoudre leur différend. Contrairement à l’arbitre, le médiateur ne possède aucun pouvoir décisionnel. Son rôle consiste à faciliter le dialogue, identifier les intérêts sous-jacents des parties et les accompagner vers une solution consensuelle. Cette approche collaborative distingue fondamentalement la médiation de l’arbitrage.
Le processus de médiation suit généralement une structure en plusieurs phases, tout en conservant une grande flexibilité. Après une phase préparatoire où le médiateur rencontre séparément chaque partie, des sessions conjointes permettent d’explorer les options possibles. Ces échanges peuvent alterner avec des caucus (réunions privées entre le médiateur et une seule partie) pour approfondir certains aspects confidentiels. L’aboutissement du processus, lorsqu’il réussit, se concrétise par un accord de médiation qui peut être homologué par un juge pour lui conférer force exécutoire.
Les statistiques témoignent de l’efficacité de la médiation commerciale. Selon une étude du Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris (CMAP), environ 70% des médiations commerciales aboutissent à un accord, avec un délai moyen de résolution de trois mois. Cette rapidité contraste favorablement avec les procédures judiciaires ou arbitrales qui peuvent s’étendre sur plusieurs années.
Parmi les bénéfices majeurs de la médiation figure la préservation des relations d’affaires. En favorisant une approche non adversariale, elle permet aux entreprises de maintenir, voire de renforcer leurs partenariats commerciaux malgré le différend. Cette dimension relationnelle revêt une importance capitale dans les secteurs où les acteurs économiques sont interdépendants ou dans les marchés de niche où les partenaires potentiels sont limités.
La créativité des solutions constitue un autre avantage distinctif. Libérées du cadre strict de l’application des règles juridiques, les parties peuvent élaborer des arrangements sur mesure, intégrant des considérations commerciales, opérationnelles ou stratégiques qui dépassent le simple cadre du litige initial. Par exemple, dans un conflit relatif à un défaut de qualité, la solution peut inclure non seulement une compensation financière mais aussi la mise en place d’un nouveau protocole de contrôle qualité ou l’extension d’un partenariat à de nouveaux produits.
- La maîtrise du processus par les parties elles-mêmes
- La réduction significative des coûts comparée aux procédures contentieuses
- La confidentialité absolue des échanges et de l’accord final
- L’adaptabilité à tous types de litiges commerciaux
Cependant, la médiation présente certaines limites qu’il convient d’identifier. L’absence de pouvoir coercitif du médiateur peut s’avérer problématique face à une partie récalcitrante ou de mauvaise foi. De même, le caractère non contraignant du processus peut être perçu comme un inconvénient lorsqu’une partie cherche à obtenir une décision définitive et exécutoire rapidement. Enfin, dans certains cas impliquant des questions juridiques complexes ou des points de droit nouveaux, l’absence d’une décision motivée en droit peut constituer une limitation.
Le cadre juridique de l’accord de médiation
L’accord issu de la médiation possède la nature juridique d’une transaction au sens de l’article 2044 du Code civil. Pour garantir son exécution, les parties peuvent demander son homologation judiciaire conformément à l’article 1565 du Code de procédure civile. Cette homologation confère à l’accord la force exécutoire d’un jugement, tout en préservant sa confidentialité. Au niveau européen, la directive 2008/52/CE a renforcé ce cadre en imposant aux États membres de garantir la possibilité de rendre exécutoires les accords issus de médiation.
Analyse comparative: critères de choix entre arbitrage et médiation
Le choix entre arbitrage et médiation doit s’appuyer sur une analyse approfondie de plusieurs facteurs déterminants, propres à chaque situation commerciale. La nature du litige constitue un premier critère fondamental. Les conflits impliquant des questions techniques complexes, nécessitant une expertise sectorielle spécifique, peuvent bénéficier de l’arbitrage où des spécialistes peuvent être nommés comme arbitres. À l’inverse, les différends comportant une forte dimension relationnelle ou émotionnelle s’orientent naturellement vers la médiation, qui offre un espace de dialogue permettant d’aborder ces aspects non juridiques.
La valeur économique du litige représente un autre facteur décisif. Pour les contentieux de faible ou moyenne valeur, le coût relativement élevé de l’arbitrage peut s’avérer disproportionné. Les statistiques de la Chambre de Commerce Internationale révèlent que pour les litiges inférieurs à 1 million d’euros, les frais d’arbitrage peuvent représenter jusqu’à 10-15% de la valeur en jeu. La médiation, significativement moins onéreuse, constitue alors une alternative économiquement rationnelle.
L’urgence de la résolution influence également le choix du mode de règlement. Si l’arbitrage offre généralement des délais plus courts que les procédures judiciaires classiques, la médiation présente souvent la solution la plus rapide. Selon les données du Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris, la durée moyenne d’une médiation commerciale s’établit autour de trois mois, contre neuf à douze mois pour un arbitrage standard.
La dimension internationale du conflit pèse considérablement dans la balance. L’arbitrage bénéficie d’un cadre d’exécution internationale particulièrement favorable grâce à la Convention de New York, ratifiée par plus de 160 États. Cette reconnaissance quasi universelle des sentences arbitrales contraste avec l’exécution plus incertaine des accords de médiation transfrontaliers, bien que la récente Convention de Singapour sur la médiation (2019) vise précisément à combler cette lacune.
La confidentialité, quoique présente dans les deux mécanismes, revêt des nuances différentes. Si l’arbitrage garantit la non-publicité des débats et de la sentence, la médiation pousse cette logique plus loin en protégeant l’ensemble des échanges, y compris vis-à-vis du juge en cas d’échec du processus. L’article 21-3 de la loi du 8 février 1995 consacre cette confidentialité renforcée en droit français.
- Pour les litiges impliquant des droits indisponibles ou des questions d’ordre public: privilégier l’arbitrage
- Pour les différends entre partenaires commerciaux réguliers: favoriser la médiation
- En présence de déséquilibre de pouvoir entre les parties: l’arbitrage peut offrir plus de garanties
- Lorsque la création de précédent juridique est recherchée: opter pour l’arbitrage
Le niveau d’antagonisme entre les parties constitue un indicateur pratique souvent sous-estimé. Une hostilité profonde peut compromettre l’efficacité de la médiation, qui repose sur la volonté commune de dialoguer. Dans ces situations de forte tension, l’arbitrage, avec son cadre plus formel, peut s’avérer plus adapté pour canaliser le conflit et garantir une résolution équitable.
Vers une approche hybride: les clauses multi-paliers
Face à la complexité des relations commerciales modernes, de nombreuses entreprises optent désormais pour des clauses de résolution des litiges multi-paliers. Ces dispositifs contractuels prévoient une séquence progressive de mécanismes: négociation directe, puis médiation, et enfin arbitrage en cas d’échec des étapes précédentes. Cette approche échelonnée, promue par des institutions comme la CCI ou l’American Arbitration Association, combine les avantages de chaque méthode tout en minimisant leurs inconvénients respectifs.
Stratégies pratiques pour optimiser la résolution des litiges commerciaux
La rédaction anticipée des clauses de résolution des différends constitue une démarche stratégique fondamentale pour toute entreprise engagée dans des relations commerciales significatives. Ces stipulations contractuelles, loin d’être de simples formalités, déterminent l’efficacité future du processus de règlement en cas de conflit. Pour une clause d’arbitrage efficace, plusieurs éléments doivent être précisément définis: le siège de l’arbitrage (qui détermine la loi procédurale applicable), la langue de la procédure, le nombre d’arbitres, les règles applicables et l’institution administrante le cas échéant.
Les juristes d’entreprise avisés recommandent d’adapter ces clauses au contexte spécifique de chaque contrat plutôt que d’utiliser des formules standard. Par exemple, pour un contrat de distribution internationale impliquant des partenaires de cultures juridiques différentes, une clause détaillée spécifiant un arbitrage institutionnel sous l’égide de la CCI avec un tribunal composé de trois arbitres peut s’avérer judicieuse. À l’inverse, pour des transactions de moindre envergure, une clause de médiation suivie d’un arbitrage accéléré par arbitre unique peut représenter un meilleur équilibre coût-efficacité.
La préparation minutieuse en amont du processus choisi maximise les chances de succès. Pour la médiation, cette préparation implique l’identification précise des intérêts sous-jacents de l’entreprise, au-delà des positions juridiques. Les négociateurs expérimentés distinguent clairement les éléments négociables des points non négociables, et développent un éventail d’options créatives avant même la première session. Pour l’arbitrage, la constitution d’un dossier factuel solide, l’évaluation réaliste des chances de succès et la sélection stratégique des arbitres représentent des étapes critiques.
Le choix du médiateur ou de l’arbitre mérite une attention particulière. Au-delà des compétences juridiques, d’autres qualités s’avèrent déterminantes selon le contexte. Pour une médiation dans le secteur pharmaceutique par exemple, un médiateur ayant une compréhension des enjeux réglementaires et scientifiques apportera une valeur ajoutée considérable. Pour un arbitrage concernant un contrat de construction complexe, un arbitre ayant une formation d’ingénieur pourra mieux appréhender les aspects techniques du litige.
L’utilisation stratégique de l’expertise technique constitue un levier souvent sous-exploité. Dans les deux modes de résolution, l’intervention d’experts neutres peut désamorcer les désaccords factuels et faciliter l’émergence de solutions. En médiation, ces experts peuvent participer aux sessions conjointes pour clarifier des points techniques controversés. En arbitrage, la désignation d’experts par le tribunal arbitral, plutôt que par chaque partie, peut réduire significativement les coûts tout en garantissant une analyse impartiale des questions techniques.
La digitalisation des processus de résolution offre désormais des opportunités nouvelles. Les plateformes de médiation en ligne comme Modria ou les outils d’arbitrage virtuel développés par les grandes institutions arbitrales permettent de surmonter les contraintes géographiques tout en réduisant les coûts logistiques. La pandémie de COVID-19 a accéléré cette tendance, démontrant l’efficacité des audiences virtuelles même pour des affaires complexes. Les statistiques de la CCI révèlent que plus de 80% des audiences arbitrales en 2020-2021 se sont déroulées par visioconférence.
L’évaluation coûts-bénéfices: une approche économique de la résolution des litiges
Une analyse rigoureuse des coûts directs et indirects de chaque option s’impose. Au-delà des frais évidents (honoraires des arbitres/médiateurs, coûts administratifs, représentation juridique), d’autres facteurs économiques doivent être considérés: l’impact sur la trésorerie, la mobilisation des ressources internes, les risques réputationnels ou encore les coûts d’opportunité liés à la durée de la procédure. Des outils comme l’Expected Monetary Value (EMV) permettent de quantifier ces éléments pour éclairer la décision entre les différentes options de résolution disponibles.
L’avenir de la résolution des litiges commerciaux: tendances et évolutions
L’émergence de procédures hybrides témoigne d’une évolution significative dans l’écosystème de la résolution des différends commerciaux. Le développement de formats comme la med-arb (où le même tiers agit successivement comme médiateur puis comme arbitre) ou l’arb-med-arb (où une procédure d’arbitrage est suspendue pour permettre une médiation) reflète une recherche d’efficacité accrue. Ces mécanismes combinés, particulièrement populaires en Asie, gagnent progressivement du terrain en Europe. La Chambre de Commerce Internationale a d’ailleurs adopté en 2019 des règles spécifiques pour encadrer ces procédures hybrides.
L’intégration des technologies d’intelligence artificielle révolutionne progressivement les pratiques traditionnelles. Des outils d’analyse prédictive comme Predictice en France ou Lex Machina aux États-Unis permettent désormais d’évaluer les chances de succès d’une procédure avec une précision croissante. Ces algorithmes, analysant des milliers de décisions antérieures, identifient des tendances jurisprudentielles invisibles à l’œil humain. D’autres applications technologiques incluent l’automatisation de la rédaction documentaire, l’analyse sémantique des contrats pour identifier les clauses problématiques, ou encore les systèmes de négociation automatisée pour les litiges de faible valeur.
La spécialisation sectorielle des mécanismes de résolution constitue une tendance lourde. Des institutions dédiées à des industries spécifiques émergent, comme le Court of Arbitration for Sport pour les litiges sportifs ou le World Intellectual Property Organization Arbitration and Mediation Center pour les conflits de propriété intellectuelle. Cette spécialisation se traduit par l’élaboration de règles procédurales adaptées aux particularités de chaque secteur et par la constitution de panels d’arbitres ou médiateurs possédant une expertise pointue dans ces domaines.
L’internationalisation croissante des échanges commerciaux s’accompagne d’une harmonisation progressive des cadres juridiques relatifs à la résolution alternative des différends. La Convention de Singapour sur la médiation, entrée en vigueur en septembre 2020, marque une avancée majeure en facilitant l’exécution transfrontalière des accords issus de médiation commerciale internationale. Cette convention vise à faire pour la médiation ce que la Convention de New York a accompli pour l’arbitrage: créer un cadre juridique global favorisant la reconnaissance mutuelle des accords. Avec plus de 50 pays signataires, dont les États-Unis et la Chine, cette initiative témoigne d’une volonté politique forte de promouvoir la médiation comme outil de résolution des litiges commerciaux internationaux.
La prise en compte croissante des considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) transforme également le paysage de la résolution des différends. Les entreprises, soucieuses de leur image et soumises à des obligations de reporting extra-financier, privilégient de plus en plus des mécanismes permettant d’intégrer ces dimensions dans la résolution des conflits. La médiation, par sa flexibilité intrinsèque, offre un cadre particulièrement propice à l’incorporation de ces considérations non strictement juridiques.
- Développement de plateformes en ligne dédiées à la résolution des litiges transfrontaliers
- Émergence de standards internationaux pour la certification des médiateurs commerciaux
- Intégration croissante des mécanismes préventifs dans les contrats complexes
- Adaptation des institutions arbitrales aux enjeux climatiques et environnementaux
La formation juridique évolue parallèlement pour intégrer ces nouvelles approches. De nombreuses facultés de droit développent désormais des cursus spécifiques dédiés aux modes alternatifs de résolution des conflits, formant une nouvelle génération de praticiens rompus à ces méthodes. Cette évolution pédagogique contribue à transformer progressivement la culture juridique, traditionnellement orientée vers l’approche contentieuse, vers une vision plus collaborative de la résolution des différends.
L’impact de la crise sanitaire sur les pratiques de résolution
La pandémie de COVID-19 a servi d’accélérateur pour l’adoption des technologies dans la résolution des litiges. Face à l’impossibilité d’organiser des réunions physiques, les institutions d’arbitrage et les centres de médiation ont rapidement adapté leurs procédures pour permettre des audiences virtuelles. Cette transition forcée a démontré la viabilité des formats distanciels même pour des affaires complexes. Selon une étude de la Queen Mary University, 79% des praticiens de l’arbitrage international considèrent désormais que les audiences virtuelles devraient rester une option permanente, même après la fin des restrictions sanitaires.
Vers une approche stratégique intégrée: au-delà du simple choix binaire
L’opposition traditionnelle entre arbitrage et médiation cède progressivement la place à une vision plus nuancée et intégrée de la gestion des conflits commerciaux. Les entreprises innovantes développent désormais de véritables stratégies de résolution des différends, considérées comme un élément de leur avantage compétitif. Cette approche systémique implique une cartographie préalable des risques contentieux propres à chaque activité et l’élaboration de réponses différenciées selon la typologie des conflits potentiels.
La mise en place de systèmes préventifs constitue le premier niveau de cette stratégie intégrée. Des dispositifs comme les dispute boards dans les projets de construction ou les comités de règlement dans les contrats de longue durée permettent d’identifier et de résoudre les désaccords avant qu’ils ne dégénèrent en litiges formels. Ces mécanismes contractuels, inspirés des principes de la médiation mais adaptés à des contextes spécifiques, réduisent significativement le recours aux procédures plus adversariales.
L’intégration des considérations culturelles dans le choix du mode de résolution révèle une sophistication croissante des approches. Dans certaines traditions juridiques, notamment asiatiques, la préservation de la relation d’affaires et l’harmonie sociale priment souvent sur la stricte application des droits contractuels. La médiation s’aligne naturellement avec ces valeurs. À l’inverse, dans des environnements commerciaux où la prévisibilité juridique et l’application rigoureuse des termes contractuels prédominent, l’arbitrage peut s’avérer plus adapté. Les entreprises opérant à l’international développent une sensibilité accrue à ces dimensions culturelles dans l’élaboration de leurs stratégies de résolution des conflits.
La formation continue des équipes juridiques internes et des managers opérationnels aux techniques de négociation et de résolution des conflits représente un investissement stratégique. Des groupes comme General Electric ou Siemens ont développé des programmes internes sophistiqués, formant leurs cadres à l’identification précoce des différends potentiels et aux méthodes de désescalade. Cette diffusion des compétences en gestion des conflits à tous les niveaux de l’organisation permet de résoudre de nombreux désaccords avant même qu’ils n’atteignent les départements juridiques.
L’évaluation régulière de l’efficacité des mécanismes choisis complète cette approche stratégique. Les directions juridiques les plus avancées mettent en place des indicateurs de performance spécifiques pour mesurer non seulement les coûts directs des litiges, mais aussi leur impact sur les relations commerciales, la réputation de l’entreprise ou encore la mobilisation des ressources internes. Cette analyse quantitative et qualitative permet d’affiner continuellement la stratégie de résolution des différends.
- Adaptation des mécanismes selon la géographie des opérations commerciales
- Prise en compte du cycle de vie des relations d’affaires dans le choix du mode de résolution
- Intégration des considérations réputationnelles dans l’évaluation des options disponibles
- Développement d’une culture d’entreprise orientée vers la résolution collaborative des problèmes
La justice participative, concept émergent qui place les parties au cœur du processus de résolution, gagne du terrain dans le paysage juridique contemporain. Cette approche, qui transcende la distinction traditionnelle entre médiation et arbitrage, se caractérise par une implication active des parties dans la conception même du processus de règlement. Plutôt que d’adopter un modèle préétabli, les entreprises co-créent un mécanisme sur mesure adapté à leur différend spécifique, empruntant librement aux diverses méthodes disponibles.
La dimension économique du choix du mode de résolution
L’analyse économique du droit offre un éclairage pertinent sur le choix entre arbitrage et médiation. Selon cette perspective, l’option optimale dépend non seulement des coûts directs de procédure, mais aussi des coûts de transaction associés à chaque méthode, de la valeur actualisée des relations futures entre les parties, et de l’aversion au risque des décideurs. Des modèles décisionnels sophistiqués, intégrant ces variables, permettent désormais aux entreprises d’objectiver leurs choix stratégiques en matière de résolution des différends.